Le B.A.BA de l'impressionnisme

Qu'est-ce que l'impressionnisme ?
Par Félicie Faizand de Maupeou et Margot Degoutte

Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile, 50 × 65 cm, Paris, musée Marmottan Monet, Don Eugène et Victorine Donop de Monchy, 1940, Inv. 4014. © musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB

Claude Monet, Impression, soleil levant, 1872, huile sur toile, 50 × 65 cm, Paris, musée Marmottan Monet, Don Eugène et Victorine Donop de Monchy, 1940, Inv. 4014. © musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB
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Lorsque l’on évoque le terme impressionnisme, des images de tableaux, des noms d’artistes viennent en tête. Mais comment définir ce mouvement et ce qui le caractérise ? Cette synthèse propose quelques clés de compréhension pour un premier tour de la question.

John Constable, La charette de foin, 1821, huile sur toile, 130.2 x 185.4 cm, acquisition suggérée par Henry Vaughan, 1886, Londres, National Gallery. Source : National Gallery, CC By-NC-ND. https://www.nationalgallery.org.uk/paintings/NG1207

1874 est souvent pris comme le marqueur des débuts de l’impressionnisme [1] mais à y regarder de plus près l’histoire du mouvement commence à s’écrire bien plus tôt. À quelle date exactement ? Il est impossible de le définir précisément tant l’impressionnisme, comme toute innovation artistique, puise ses racines dans différents phénomènes, qui ont des histoires et des temporalités différentes.
Ainsi, on peut faire démarrer l’histoire de l’impressionnisme du côté de l’Angleterre, dans la première moitié du XIXe siècle. William Turner cherche alors à représenter la lumière naturelle sur ses toiles et John Constable développe une nouvelle peinture de paysage, non idéalisée, qui s’inspire là-aussi de la nature, et non plus des règles académiques. Exposée en France au Salon de 1825, sa Charrette de foin (1821, Londres, National Gallery) marque toute une génération de peintres français.
On peut aussi faire démarrer cette histoire avec les peintres de Barbizon – Millet, Rousseau ou Corot – qui sont sortis de l’atelier pour aller peindre sur le motif. Conseillés par Narcisse Diaz de la Pena, notamment, Monet, Sisley, Renoir et Bazille ont suivi leur exemple et se sont rendus dans la forêt de Fontainebleau pour représenter les mêmes coins de nature que leurs aînés.

Joseph Mallord William Turner, Le Téméraire, 1839, huile sur toitle, 90.7 x 121.6 cm. Londres, National Gallery of Art. Source : CCBY-NCND

Théodore Rousseau, Lisière du bois à Monts-Girard, Forêt de Fontainebleau, 1852-1854, huile sur bois, 80 x 121,9 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund. Source : The Metropolitan Museum, Public Domain.

Édouard Manet, Argenteuil, 1874, huile sur toile, 148,5 x 114,5 cm, Tournai, musée des Beaux-Arts. Source : Ville de Tournai, Office du Tourisme, Maison du tourisme de Wallonie picarde, B. Dochy, P. Maurage (+), P. Van der Cruyssen et Wapict.

Mais l’impressionnisme démarre aussi, de manière plus évidente, avec l’arrivée des peintres à Paris. C’est là, dans la capitale mondiale de l’art, qu’il faut être pour faire carrière. À l’Académie Suisse, Pissarro, Cézanne et Monet font connaissance. Ce dernier rencontre Renoir, Bazille et Sisley dans l’atelier de Charles Gleyre.…. Toute cette bande, parfois appelée groupe de Batignolles, se retrouve au café Guerbois, autour de Manet. Si ce dernier adopte une esthétique impressionniste au début des années 1870, il ne participe à aucune des huit expositions du groupe et refusera toujours d’y être directement associé.
Un autre jalon important de l’histoire de l’impressionnisme se situe à nouveau de l’autre côté de la Manche, au moment de la guerre franco-prussienne. Pissarro et Monet s’y retrouvent. Ils sont présentés par Charles-François Daubigny au marchand de tableaux Durand-Ruel Son soutien sera décisif tout au long de la carrière de l’ensemble des artistes et pour le succès du mouvement.

L’impressionnisme des huit expositions

L’histoire se cristallise ensuite quand ce groupe d’artistes décide d’organiser une exposition de groupe, dissidente du Salon. Mais une fois de plus, leur initiative s’inscrit dans une histoire longue. Du côté de l’Angleterre, à nouveau, où les artistes ont davantage l’habitude de prendre en charge leur carrière et d’organiser leurs propres expositions. L’idée d’une exposition indépendante prend aussi ses racines dans la grogne des artistes contre le jury qui barre l’entrée du Salon officiel.
En 1873, les futurs impressionnistes fondent la Société anonyme de peintres, sculpteurs, graveurs, etc. dont l’objectif est l’organisation d’expositions et la vente des œuvres. À cette période, le marchand Durand-Ruel connaît des difficultés financières et ne peut plus leur acheter de toiles. Certains sont donc dans une situation matérielle difficile qui les oblige à trouver des solutions.
Si 1874 fait l’unanimité comme une date fondatrice de l’histoire de l’impressionnisme, qu’en est-il des sept autres expositions (1876-1877-1879-1880-1881- 1882-1886) qui s’échelonnent jusqu’en 1886 ? C’est John Rewald, historien de l’art américain d’origine allemande, qui borne le mouvement autour de ces huit expositions dans son Histoire de l’impressionnisme. Paru en 1946, elle restera pendant des décennies l’ouvrage de référence. Si Rewald se fonde sur des archives pour établir cette liste d’exposition et cette chronologie, elle est en réalité discutable. Le terme lui-même est loin de fait consensus : Renoir réfutait tout risque d’assimilation à une école, Degas lui préférait l’expression de « peintres indépendants », Zola s’obstinait à parler de « naturalistes » et Duranty désigne le groupe sous le terme de « nouvelle peinture ». Le qualificatif d’impressionnistes ne sera repris qu’à partir de la troisième exposition et pas pour toutes les éditions. Du point de vue des participants, le périmètre n’est pas bien établi non plus. Du « groupe primordial » dont les contours eux-mêmes ne sont pas clairs mais dans lequel on mettra Morisot, Monet, Cassatt, Degas, Cézanne, Sisley, Pissarro Caillebotte et Renoir, seul Pissarro participe à toutes les expositions. Et, en 1879 et 1880 par exemple, il n’est accompagné que de Degas, Morisot, Caillebotte et Cassatt. À l’inverse, que dire de la sixième Exposition internationale chez Georges Petit, qui réunit Monet, Pissarro, Renoir, Sisley et Whistler ? Et pourquoi celle de 1888 organisée chez Durand-Ruel et à laquelle participent Sisley, Pissarro, Renoir, Morisot et Whistler n’est-elle pas considérée comme une exposition impressionniste ? Enfin, si la dernière exposition du groupe se tient en 1886, qu’en est-il de l’histoire du mouvement après cette date ? S’il est vrai que des stratégies de carrière plus individuelles apparaissent dès le début des années 1880, le groupe se perpétue sous d’autres formes et les liens d’amitié restent importants [2].

Cette question des bornes chronologiques pose en filigrane celle de la définition même du mouvement. Comment peut-on définir l’impressionnisme du point de vue artistique ? Des paysages rendus dans des teintes claires par petites touches de pinceau laissées visibles ? Cette représentation en partie exacte gomme la très large palette de sujets et de styles déployés par les impressionnistes.
Pour trouver des réponses, il faut comme souvent retourner aux sources primaires que l’histoire nous a laissées et notamment aux statuts de la Société anonyme coopérative à capital variable des artistes peintres, sculpteurs, graveurs etc que les artistes créent à Paris le 27 décembre 1873.

Consulter les status de la Société anonyme [...] etc. Consulter les status de la Société anonyme [...] etc.

L’objectif est l’organisation d‘expositions indépendantes, surtout sans jury d’accès, vendre les œuvres exposées et publier un journal. Ses fondateurs sont des artistes las d’être sans cesse refusés au Salon, qui est alors le principal moyen de se faire connaître. Les impressionnistes cherchent donc avant tout à vivre de leur art, sans volonté manifeste de renverser l’ordre établi. Mais c’est parce que cet ordre-là les exclut qu’ils prennent la voie de l’indépendance et d’une solution dissidente face aux institutions de la IIIe République.

 

La voie de l’indépendance

Bien que l’idée de révolte ne soit pas centrale dans l’histoire du mouvement, l’impressionnisme se développe néanmoins dans une longue tradition de ruptures avec la peinture académique. La problématique du Salon et de son Jury est pointée du doigt depuis plusieurs générations : l’admission passe par un jury qui ne jure que par les règles académiques issues des héritiers de David ; sa sévérité et son intransigeance excluent un grand nombre des soumissions. L’admission au Salon, si tant est qu’un accrochage satisfaisant en découle, est l’une des deux grandes voies d’accès à la reconnaissance officielle et aux commandes de l’Etat. La seconde option étant celle menant de l’Ecole des beaux-arts à la Villa Médicis par le biais du Grand Prix de Rome, cette dernière n’est pas plus favorable aux artistes dits impressionnistes.

L’épisode du Salon des Refusés, en 1863, a ouvert la voie et la possibilité d’une exposition indépendante du Salon officiel. Cette année-là, le jury du Salon avait refusé plus de la moitié des envois. Les artistes s’en étaient remis à l’empereur : Napoléon III leur avait alors permis d’exposer leurs œuvres dans une autre partie du palais de l’Industrie, formant le Salon des Refusés. Un autre exemple de dissidence face à l’institution intervient en marge de l’Exposition universelle de Paris de 1867, alors que Gustave Courbet et Édouard Manet ouvrent l’un et l’autre un pavillon indépendant de l’exposition officielle. Les futurs impressionnistes s’inspirent de ces initiatives quand ils tentent, en 1867, d’obtenir un nouveau salon des œuvres refusées en marge du Salon officiel, en vain. Faute d’argent, leur tentative d’organiser eux-mêmes une exposition des œuvres rejetées par le jury n’aboutit pas plus. Pourtant, ces artistes n’ont d’autre choix que de s’imposer hors du système, de faire dissidence face au système de reconnaissance piloté par le Salon, l’organe officiel.

Un nouveau système

Le 15 avril 1874 au 35 bd des Capucines, dans les locaux prêtés par Nadar ouvre la première exposition de la Société anonyme. C’est-à-dire 15 jours avant l’ouverture du Salon. C’est un véritable pied de nez aux instances officielles et à la critique conservatrice. Cette initiative est relayée par d’autres canaux, de nouveaux acteurs, comme les mécènes et collectionneurs, les les marchands de tableaux et les critiques qui forment progressivement un nouveau système artistique [3].

Cette première exposition est un échec commercial : peu de visiteurs, et très peu de ventes. Les critiques cependant sont moins négatives que ce que l’on pourrait penser. D’une part, dans le contexte de critique récurrente du Salon et de son jury, la prise en charge par les artistes de leur carrière est saluée. D’autre part, la plupart de ceux qui font le déplacement sont acquis à la cause de ces artistes. Mais les critiques acerbes ne manquent pas, toutefois ; on retient notamment celle de Louis Leroy dans Le Charivari du 25 avril, qui, dans une saynète satirique, rend compte de sa visite en compagnie d’un peintre bien sous tous rapports et affuble pour la première fois les peintres du terme d’impressionnistes. Face à cet échec, les artistes tentent une voie : l’organisation d’une vente aux enchères mais qui là aussi, sans être l’échec cuisant qu’on s’est longtemps représenté, ne leur a pas permis de sortir de se faire une place sur la scène artistique de leur temps.

La situation sociale et économique des artistes et le contexte artistique dans lequel ils ont évolué sont donc essentiels pour comprendre l’histoire de l’impressionnisme. Mais la constitution du groupe ne serait alors que conjoncturelle ? uniquement fondée sur des raisons matérielles et économiques ? Si l’esthétique impressionniste est loin d’être uniforme, l’amitié entre ces artistes s’est aussi forgée sur des recherches picturales communes et des convictions esthétiques partagées. La première est celle de sortir du carcan des règles dictées par l’Académie et qui impose de suivre des canons de beauté. Ce que veulent ces peintres, c’est être des peintres de leur temps, qui représentent la réalité du monde qui les entoure telle qu’elle se présente à eux.

La production picturale des impressionnistes n’est pas d’un seul tenant, mais derrière cette hétérogénéité apparente se dégagent tout de même un style reconnaissable, une manière de peindre commune et des motifs partagés.
Contrairement à ce que prône la doxa académique qui veut que le travail de l’artiste ne soit pas visible sur la toile finalisée, les impressionnistes laissent la touche apparente. Les impressionnistes n’inventent pas la fragmentation de la touche. Depuis bien longtemps les artistes laissent visibles tout ou partie de leurs coups de pinceau, selon les besoins d’expressivité de leurs tableaux. Mais avec eux la facture s’affiche et s’affirme, la touche est libre, mouvementée, juxtaposée, épaisse ou fine, en virgule ou plus droite ou même divisée en une multitude de points. Ils jouent aussi des empâtements qui accrochent la lumière à la surface de la toile et participent à la perception du motif.
Les impressionnistes se sont aussi attachés à peindre le réel tel qu’il les entoure sans plus le transformer pour le faire correspondre à des principes académiques. Ils s’attachent notamment à rendre la lumière naturelle. Cette touche enlevée leur permet de saisir l’instant lumineux, qui est par essence toujours changeant.
Cette lumière impose l’usage de couleurs claires.. Si tous ne sont pas aussi attachés que Sisley ou Monet à rendre les variations de la lumière en fonction du moment de la journée ou de la saison, la sortie presque unanime de l’atelier (et permise par l’invention du tube de peinture métallique, souple et refermable et des chevalets pliants) a incité les artistes à éclaircir leur palette pour tenter de reproduire le plus justement les effets de lumière.

Auraient-ils donc réalisé leurs toiles à main levée en quelques coups de pinceaux directement sur le motif [4] ? Cette conception de l’impressionnisme varie en réalité beaucoup dans le temps et surtout en fonction des artistes. Elle est surtout vraie au tout début du mouvement et uniquement pour quelques artistes, dont Monet et Renoir quand ils peignent côté à côte à la Grenouillère. Même commencée sur le motif, la plupart des toiles est en réalité longuement reprise à l’atelier. Et pour certains, comme Degas, Cassatt ou Morisot, ils peignent presque exclusivement à l’atelier. Cela influence aussi leur palette. Celle de Degas par exemple est encore largement composée de couleurs foncées et l’artiste prépare beaucoup ses toiles [5]. Il n’en reste pas moins vrai que la plupart des impressionnistes s’attachent volontairement à conserver cette impression de rapidité. Si leurs détracteurs les accusent de ne pas finir leur toile, de présenter au public des esquisses, il s’agit pour eux de montrer qu’ils sont parvenus à capter un instant fugace rapide.

Monet, La Grenouillère, 1869, huile sur toile, 74.6 x 99.7 cm, New York, Metropolitan Museum of Art. Source : The Metropolitan Museum, Public Domain.

Auguste Renoir, La grenouillère, huile sur toile, 66 × 81 cm, Stockholm, Nationalmuseum. Source : Anna Danielsson / Nationalmuseum

Claude Monet, La Gare Saint-Lazare, 1877, huile sur toile, 75 x 105 cm, Legs Gustave Caillebotte, 1896, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt

Cette manière de peindre correspond aussi à la transformation du monde dans lequel ils vivent. Comme le souligne Baudelaire, la modernité est synonyme de vitesse. De nombreuses œuvres impressionnistes s’attachent à transcrire cette vie moderne, urbaine. Selon Edmond Duranty, l’une des “idées” de ces artistes est “d’enlever la cloison qui sépare l’atelier de la vie commune”, pour “sortir le peintre de sa tabatière, de son cloître [6]”. Et quelle vie commune ! C’est d’abord le paysage urbain d’une ville en complète transformation. Sous l’impulsion de Napoléon III et du baron Haussmann, Paris change : gares, grands boulevards, trottoirs larges, architectures de fer et de verre, nouveaux modes d’habitat aux commodités modernes, parcs et grands magasins, éclairage public métamorphosent la ville. Sous le pinceau des impressionnistes, la Gare Saint Lazare (Monet, 1877, musée d’Orsay) s’enfume, les grands boulevards s’illuminent (Pissarro, Boulevard Montmartre, effet de nuit, 1897, National Gallery), les immeubles de rapport et les larges avenues géométrisent Paris (Caillebotte, Rue de Paris ; temps de pluie, 1877, Chicago).

Camille Pissarro, Le Boulevard Montmartre, effet de nuite, 1897, huile sur toile, 53.3 × 64.8 cm, achat Courtauld Fund, 1925, Londres, National Gallery. Source : National Gallery, CC By-NC-ND. https://www.nationalgallery.org.uk/paintings/NG4119

Gustave Caillebotte, Rue de Paris, temps de pluie, 1877, huile sur toile, 212,2 x 276,2 cm, Charles H. and Mary F.S. Worcester Collection, Chicago, Art Institute. Source : Art Institute Chicago, public domain. www.artic.edu

Edgar Degas, Dans un café, dit aussi L'Abstinthe, 1875-1876, huile sur toile, 92 x 68,5 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Outre le cadre de vie, les impressionnistes s’intéressent aussi aux loisirs urbains. Degas représente les habitués des restaurants et des cafés (L’absinthe, 1875-1876, musée d’Orsay), les courses hippiques (Degas, Le défilé, 1866-1868, musée d’Orsay), Renoir se mélange aux bals populaires où se côtoient différentes classes sociales (Bal du moulin de la Galette, 1876, musée d’Orsay). Le monde du spectacle fascine les artistes qui s’immiscent au théâtre ou à l’opéra (Renoir, La Loge, 1874, Courtauld), auprès des danseuses ou des musiciens (Degas, L’étoile, 1876-77, musée d’Orsay) et L’orchestre de l’opéra, 1868-1869, musée d’Orsay).

Edgar Degas, Le Défilé, dit aussi Chevaux de course devant les tribunes, 1866-1868, huile sur toile, 46 x 61 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.

Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, 131,5 x 176,5 cm, Paris, musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Mathieu Rabeau

Edgar Degas, Ballet, dit aussi L'étoile, 1876-1877, pastel sur monotype, 58,4 x 42 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay - RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Edgar Degas, L'orchestre de l'Opéra, c. 1870, huile sur toile, 56,6 x 46 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Gustave Caillebotte, Raboteurs de parquet, 1875, huile sur toile, 102 x 147 cm, Don, 1894, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay)/Franck Raux

Le regard des impressionnistes se tourne également vers un nouveau prolétariat urbain (Caillebotte, Les raboteurs de parquet, 1875, musée d’Orsay ; Monet, Déchargeurs de charbon, 1875, musée d’Orsay) et périurbain (Sisley, La forge à Marly-le-Roi, 1875, musée d’Orsay). Le travail féminin est en grande partie exploré par Degas (Repasseuses, 1884-1886, musée d’Orsay). L’industrialisation des abords de la capitale est une source d’inspiration et de réflexion (Cézanne, Sur le quai de Bercy, 1867, Hambourg ; Guillaumin, Soleil couchant à Ivry, 1873, musée d’Orsay).

Edgar Degas, La Repasseuse, 1869, fusain, craie blanche et pastel sur papier, 74 x 61 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937. Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.

Des déchargeurs décharges des barges de charbon sur les quais de Seine à Paris

Claude Monet, Les déchargeurs de charbon, 1875, huile sur toile, 54 x 65,5 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.

Claude Monet, La Pie, 1868-18669, huile sur toile, 89 x 130 cm, Paris, musée d’Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Campagne périurbaine, mer, montagne et contrées plus lointaines, l’impressionnisme est un art de paysage. Monet entraîne ainsi ses condisciples de l’atelier Gleyre en plein air. Le chemin de l’école buissonnière les mène à la campagne à Fontainebleau (Chailly, Marlotte), sur la côte normande, et en bords de Seine (Bougival et la Grenouillère, Argenteuil, Chatou, Louveciennes, Pontoise etc.). Monet, Sisley et Renoir étudient les reflets, les effets atmosphériques, les mouvements de l’eau; les variations de la lumière. Pissarro et Cézanne ont une approche plus robuste et géométrique du paysage. Ils s’intéressent moins au ciel, à la lumière, à l’eau. À Pontoise ou Auvers-sur-Oise, leur touche plus épaisse, maçonnée, structure par la juxtaposition des paysages solidement construits.

La neige est un sujet de prédilection pour les impressionnistes. C’est un extraordinaire prétexte pour exercer toutes les subtilités de leur palette : l’ombre non pas noire mais colorée, la peinture claire dans toute sa splendeur, une luminosité violente, un traitement de la surface particulièrement animé (alors que la neige d’atelier se présentait plutôt comme une plage uniformément blanche). Comme l’eau et ses reflets, la neige présente une surface qui change d’aspect suivant la luminosité et la froideur de l’air.

“ L’hiver venu, l’impressionniste peint de la neige. Il voit qu’au soleil les ombres portées sur la neige sont bleues, il peint sans hésiter des ombres bleues. Alors le public rit. ”

Théodore Duret, Les peintres impressionnistes, 1878

Auguste Renoir, Madame Georges Charpentier et ses enfants, 1878, huile sur toile, 153.7 x 190.2 cm, New York, Metropolitan Museum of Art. Source : https://metmuseum.org/art/collection/ Public domain

Ces deux catégories ne résument toutefois pas l’intégralité des sujets des impressionnistes. Ainsi, l’impressionnisme n’est pas qu’affaire de paysage et les artistes se confrontent à la problématique du portrait.

Le genre du portrait est particulièrement développé à la fin du XIXe siècle, signe de l’engouement de la classe bourgeoise qui adopte les pratiques de l’ancienne noblesse et se fait représenter par les artistes modernes qu’elle soutient Objet de commande par ces collectionneurs, il est aussi un moyen assuré de revenus pour les artistes. Les enjeux habituels du portrait demeurent (ressemblance et vérité des traits physiques et psychologiques), les impressionnistes les redoublent d’une représentation dans l’environnement, dans un univers aussi signifiant du point de vue de la personnalité et du statut des portraituré·e·s. La représentation d’une activité est également un acte de portrait : la lecture par exemple.

“ Avec un dos, nous voulons que se révèle un tempérament, un âge, un état social ; par une paire de mains nous devons exprimer un magistrat ou un commerçant ; par un geste, toute une suite de sentiments.[...]L’attitude nous apprendra que ce personnage va à un rendez-vous d’affaires, et que cet autre revient d’un rendez-vous d’amour. […] Des mains qu’on tient dans les poches pourront être éloquentes. Le crayon sera trempé dans le suc de la vie. ”

Edmond Duranty, La Nouvelle Peinture, 1876

Mary Cassatt, Petite fille dans u fauteuil bleu, 1878, huile sur toile, 89.5 × 129.8 cm, Collection of Mr. and Mrs. Paul Mellon, Washington, National Gallery of Art. Source : National Gallery of Art, CC0 Public Domain.

Enfin, l’une des grandes thématiques communes, partagée tant par ceux qui peignent dehors que ceux qui restent dans l’atelier, ceux qui peignent clair et ceux qui gardent une palette plus sombre, se résume en un mot : instant. Saisir l’instant, c’est représenter sa propre sensation dans son immédiateté. Les développements de la photographie influencent considérablement la saisie picturale de l’instantané par le biais de cadrages novateurs (Morisot, Enfants à la vasque, 1886, musée Marmottan). L’instant saisi peut être éphémère (le miroitement de l’eau, le scintillement du soleil, la décomposition de la lumière au prisme de la végétation sur la peau : Renoir, Torse, effet de soleil, 1876, musée d’Orsay ) ou distendu et banal, moment d’attente suspendu ou d’intimité familiale, sans narration ni action (Cassatt, Petite fille dans un fauteuil bleu 1878, Washington).

Auguste Renoir, Étude, dit aussi Torse, effet de soleil, vers 1876, huile sur toile, 81 x 65 cm, Legs Gustave Caillebotte, 896, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

[1] Voir les expositions 1944 et 2024
[2] Pour prolonger ces questions, voir John Rewald, The History of Impressionism, New York,
The Museum of Modern Art, 1946 ; John House, « Impressionism and History: The Rewald
Legacy », Art History, vol. 9, no 3, 1986, p. 369-376 et Olivier Schuwer, “Une fiction objective : John Rewald et l’invention de la fin de l’impressionnisme”, Perspective, 2022-2, p.249.
[3] Pour approfondir, voir notamment Harrison C. et Cynthia A. White, Harrison C., La carrière des peintres au XIXe siècle : du système académique au marché des impressionnistes. Traduit par Antoine Jaccottet, Paris, Flammarion, 2009 ; et Léa Saint-Raymond, « Revisiting Harrison and Cynthia White’s Academic vs. Dealer-Critic System »,  Arts 8, nᵒ 3 (septembre 2019): 96. https://doi.org/10.3390/arts8030096.
[4] Richard R. Brettell (éd.), Impression : painting quickly in France, 1860-1890, Williamstown, Sterling and Francine Clark Art Institute, 2000
[5] Marina Ferretti Bocquillon et Xavier Rey (ées.), Degas : un peintre impressionniste ? [exposition, Giverny, Musée des impressionnismes, 27 mars-19 juillet 2015], Paris : Gallimard ; Giverny : Musée des impressionnismes, 2015.
[6] Edmond Duranty, La nouvelle peinture : à propos du groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel, (1876) 1988, Caen : L’Echoppe, p. 36.

Pour citer cet article

Félicie Faizand de Maupeou et Margot Degoutte, « Le B.A.BA de l’impressionnisme », Impressionnisme.s [en ligne], mis en ligne le 05 Feb 2025 , consulté le 10 Feb 2025. URL: https://impressionnismes.fr/definition/b-a-ba/

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John Constable, La charette de foin, 1821, huile sur toile, 130.2 x 185.4 cm, acquisition suggérée par Henry Vaughan, 1886, Londres, National Gallery. Source : National Gallery, CC By-NC-ND. https://www.nationalgallery.org.uk/paintings/NG1207
Joseph Mallord William Turner, Le Téméraire, 1839, huile sur toitle, 90.7 x 121.6 cm. Londres, National Gallery of Art. Source : CCBY-NCND
Théodore Rousseau, Lisière du bois à Monts-Girard, Forêt de Fontainebleau, 1852-1854, huile sur bois, 80 x 121,9 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund. Source : The Metropolitan Museum, Public Domain.
Édouard Manet, Argenteuil, 1874, huile sur toile, 148,5 x 114,5 cm, Tournai, musée des Beaux-Arts. Source : Ville de Tournai, Office du Tourisme, Maison du tourisme de Wallonie picarde, B. Dochy, P. Maurage (+), P. Van der Cruyssen et Wapict.
Monet, La Grenouillère, 1869, huile sur toile, 74.6 x 99.7 cm, New York, Metropolitan Museum of Art. Source : The Metropolitan Museum, Public Domain.
Auguste Renoir, La grenouillère, huile sur toile, 66 × 81 cm, Stockholm, Nationalmuseum. Source : Anna Danielsson / Nationalmuseum
Claude Monet, La Gare Saint-Lazare, 1877, huile sur toile, 75 x 105 cm, Legs Gustave Caillebotte, 1896, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
Camille Pissarro, Le Boulevard Montmartre, effet de nuite, 1897, huile sur toile, 53.3 × 64.8 cm, achat Courtauld Fund, 1925, Londres, National Gallery. Source : National Gallery, CC By-NC-ND. https://www.nationalgallery.org.uk/paintings/NG4119
Gustave Caillebotte, Rue de Paris, temps de pluie, 1877, huile sur toile, 212,2 x 276,2 cm, Charles H. and Mary F.S. Worcester Collection, Chicago, Art Institute. Source : Art Institute Chicago, public domain. www.artic.edu
Edgar Degas, Dans un café, dit aussi L'Abstinthe, 1875-1876, huile sur toile, 92 x 68,5 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
Edgar Degas, Le Défilé, dit aussi Chevaux de course devant les tribunes, 1866-1868, huile sur toile, 46 x 61 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.
Auguste Renoir, Bal du moulin de la Galette, 1876, huile sur toile, 131,5 x 176,5 cm, Paris, musée d'Orsay, legs Gustave Caillebotte. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Mathieu Rabeau
Edgar Degas, Ballet, dit aussi L'étoile, 1876-1877, pastel sur monotype, 58,4 x 42 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay - RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
Edgar Degas, L'orchestre de l'Opéra, c. 1870, huile sur toile, 56,6 x 46 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Gustave Caillebotte, Raboteurs de parquet, 1875, huile sur toile, 102 x 147 cm, Don, 1894, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay)/Franck Raux
Edgar Degas, La Repasseuse, 1869, fusain, craie blanche et pastel sur papier, 74 x 61 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937. Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.
Claude Monet, Les déchargeurs de charbon, 1875, huile sur toile, 54 x 65,5 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.
Claude Monet, La Pie, 1868-18669, huile sur toile, 89 x 130 cm, Paris, musée d’Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Auguste Renoir, Madame Georges Charpentier et ses enfants, 1878, huile sur toile, 153.7 x 190.2 cm, New York, Metropolitan Museum of Art. Source : https://metmuseum.org/art/collection/ Public domain
Mary Cassatt, Petite fille dans u fauteuil bleu, 1878, huile sur toile, 89.5 × 129.8 cm, Collection of Mr. and Mrs. Paul Mellon, Washington, National Gallery of Art. Source : National Gallery of Art, CC0 Public Domain.
Auguste Renoir, Étude, dit aussi Torse, effet de soleil, vers 1876, huile sur toile, 81 x 65 cm, Legs Gustave Caillebotte, 896, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.