Alfred Sisley
- Naissance 30 Oct 1839, Paris
- Mort 29 Jan 1899, Moret-sur-Loing
- Nationalité Britannique
Auguste Renoir, Alfred Sisley, 1868, huile sur toile, 81 x 65cm, Zurich, Fondation et Collection Emil G. Bührle. Source : Fondation et Collection Emil G. Bührle.

- Biographie
- Dates clés
- Oeuvres
- Bibliographie
“ « Il était d’une stature assez imposante, et son visage plein, encadré d’une barbe brune à peine grisonnante (il approchait de la cinquantaine) était sérieux, bienveillant tour à tour et assombri par des passages d’inquiétude. Son regard était clair et loyal ; la parole un peu rude, pas hésitante [1]». ”
C’est ainsi qu’Arsène Alexandre se remémore Alfred Sisley, qu’il rencontre au lendemain de la dernière exposition collective des impressionnistes qui s’est tenue chez Durand-Ruel en 1888. Entre 1862 et 1888, le peintre anglais s’est imposé comme un acteur essentiel de cette histoire, au même titre que Claude Monet et Pierre-Auguste Renoir. Présent dès l’origine d’un mouvement qu’il n’a cessé de défendre dans sa dimension collective, Sisley passe aussi souvent pour l’artiste le plus caractéristique de l’impressionnisme en tant que style, associé au « plein air » et à la division de la touche. Pissarro aurait ainsi désigné Alfred Sisley en réponse à Matisse qui se demandait quel était l’impressionniste le plus typique. Dans l’ombre de Monet ou Renoir, le peintre de Moret-sur-Loing n’a pourtant jamais rencontré le succès escompté, de son vivant et dans l’histoire de l’art, qui lui a consacré de trop rares expositions et monographies [2]. Ce portrait permettra de redécouvrir le rôle, l’œuvre et le caractère cette figure à la fois centrale et marginale de l’histoire de l’impressionnisme.

Auguste Renoir, Les Fiancés Sisley, 1868, huile sur toile, 105x75cm, Cologne, Wallraf-Richartz Museum. Source : Rheinisches Bildarchiv Köln.
Sisley et ses « camarades de point de départ »
Né le 30 septembre 1839 à Paris, Alfred Sisley hérite de la nationalité britannique de ses parents, originaires de Manchester. Destiné à une carrière commerciale comme son père William – qui dirige une entreprise d’exportation de fleurs artificielles en Amérique du Sud – il est envoyé à Londres en 1857, l’année de ses 18 ans. Les quatre années qu’il passe dans la capitale anglaise – et plus particulièrement la découverte des œuvres de Turner, Constable ou Bonington dans les musées londoniens – jouent un rôle décisif dans la naissance de sa vocation de peintre. À son retour, Sisley intègre en octobre 1862 l’atelier de Charles Gleyre, après avoir convaincu ses parents de le soutenir.
C’est ici qu’il tisse des « liaisons primordiales » avec les peintres Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir ou Frédéric Bazille, ses « camarades de point de départ [3]». Si Sisley quitte dès 1863 l’atelier Gleyre, le groupe continue de travailler ensemble tout au long des années 1860 : plusieurs toiles de Sisley témoignent de ces recherches communes, des paysages de Chailly, Marlotte ou Milly qu’il peint sur le motif à côté de Renoir en 1865-1866, à la Nature morte au héron qu’il réalise dans l’atelier de Bazille, rue Visconti. C’est aussi à cette période que l’artiste pose pour Renoir, qui introduit sa figure élégante dans Le Cabaret de la Mère Antony (où les deux amis résidaient à Marlotte) et dans Les fiancés – Le ménage Sisley, faisant allusion au mariage du peintre avec Eugénie Lescouezec.

Alfred Sisley, Le Héron aux ailes déployées, 1865, huile sur toile, 80x100cm, Paris, Musée d'Orsay. Source : Grand Palais-RMN (Musée d'Orsay) / Daniel Arnaudet

Alfred Sisley, Vue du canal Saint-Martin, 1870, huile sur toile, 50x65cm, Musée d'Orsay, Paris, France. Source: RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.
S’il essuie de nombreux refus, les paysages de Sisley sont acceptés à trois reprises par le jury du Salon annuel en 1866, 1868 et 1870. Des Femmes allant au bois, paysage (1866) à ses Vues du Canal Saint-Martin (1870), les œuvres qu’il présente au Palais des Champs-Elysées permettent de suivre son évolution vers la peinture claire. Les premiers tableaux exposés par Sisley se caractérisent encore par une gamme assez sombre et terreuse de bruns, de verts et de bleus, qui évoquent le souvenir de Courbet. Mais au tournant des années 1870, alors que Monet et Renoir peignent ensemble à la Grenouillère, Sisley adopte à son tour une palette claire et une touche vibrante, dans des paysages lumineux qui accordent une large place au ciel et à l’expression des reflets aquatiques.

Alfred Sisley, Les Régates à Molesey, 1874, huile sur toile, 66x91cm, Paris, Musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.
Le rôle de Sisley dans l’histoire de l’impressionnisme
La guerre de 1870 entraîne la faillite du père de Sisley qui, à ses 30 ans, n’a plus que la peinture pour seule ressource. L’émergence de collectionneurs (Théodore Duret, Edmond Maître, etc.) et sa rencontre en 1872 avec Paul Durand-Ruel le convainquent de tenter l’aventure des expositions indépendantes. En 1874, il cesse ses envois au Salon et participe à la première exposition avec cinq paysages parmi lesquels Le Bac de l’île de la Loge, inondation (1872, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek). Parmi les participants, il réalise la meilleure vente (1000 francs).
Au lendemain de cette première exposition de groupe, Sisley accompagne le baryton Jean-Baptiste Faure en Angleterre pour un séjour de quatre mois, qui lui donne notamment l’occasion de peindre les Régates à Molesey près de Hampton Court. Après avoir vendu pour 2440 francs lors de la vente Drouot de 1875, il prend part à la seconde exposition collective de 1876 avec huit œuvres, dont plusieurs paysages hivernaux qui traduisent son goût pour l’art japonais de l’ukiyo-e. Lors de la troisième exposition « impressionniste » de 1877, il présente dix-sept tableaux dont la série des Inondations à Port-Marly, qui répondent aux Gares Saint-Lazare de Monet. En 1878, l’échec commercial de ces précédentes expositions pousse Sisley à suivre l’exemple de Renoir en tentant à nouveau sa chance au Salon. Il s’en explique dans une lettre à Théodore Duret :
“ « Nos expositions ont servi, il est vrai, à nous faire connaître, et en cela elles nous ont été très utiles, mais il ne faut pas, je crois, s’isoler trop longtemps. Le moment est encore loin où l’on pourra se passer du prestige qui s’attache aux expositions officielles. Je suis donc résolu à envoyer au Salon. Si je suis reçu il y a des chances cette année, je crois, que je pourrai faire des affaires [4]… » ”

Alfred Sisley, Le Pont de Moret, 1893, huile sur toile, 73,5x92cm, Paris, Musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.

Alfred Sisley, Le Pont de Sèvres, 1877, huile sur toile, Londres, Tate. Source : Tate Modern.

Alfred Sisley, La Barque pendant l'inondation, Port-Marly, 1876, 50,4 x 61cm, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d'Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Sisley exprime ce choix à la troisième personne du singulier ou à la première personne du pluriel, en privilégiant un sujet impersonnel qui témoigne de la pérennité de son sentiment d’appartenance au collectif. Il s’agit bien de défendre une stratégie commune avec Monet et Renoir, qu’il suit encore en organisant deux expositions particulières qui se tiennent dans les locaux de La Vie Moderne en 1881, puis chez Durand-Ruel où il présente soixante-dix tableaux à partir du 1er juin 1883. Ces différentes expériences se soldant par des échecs pour Sisley, l’artiste milite pour l’organisation d’une nouvelle manifestation collective : « Tous les précédents prouvent que les expositions collectives ont le plus souvent réussi et qu’il en a été généralement autrement des expositions particulières [5]… » Avec Caillebotte, Sisley est l’un des initiateurs de la septième exposition de 1882, qui rassemble à nouveau les peintres du « groupe primordial » : il se distingue avec un riche ensemble de vingt-sept œuvres.
En d’autres termes, Sisley, Monet et Renoir épousent une trajectoire commune : ils quittent ensemble les expositions d’artistes indépendants en 1879-1880, ils y reviennent en 1882, avant de déménager chez Georges Petit. En 1886, c’est une nouvelle fois en groupe que les « camarades de point de départ » abandonnent leur premier écrin à Pissarro et aux « néo-impressionnistes » pour investir un nouvel espace de visibilité : les Expositions internationales organisées par le galeriste Georges Petit. Introduit par Cazin en 1884, Monet y invitera par cooptation Renoir en 1885, puis Sisley en 1886. Ils y restent jusqu’en 1888 et la décision de Claude Monet d’exposer seul, chez Boussod & Valadon, ses vues d’Antibes : « Mais ce n’est pas le moment de nous séparer » lui écrit Sisley, qui regrettera toujours cette fin des expositions collectives impressionnistes.

Alfred Sisley, Chemin de la Machine, Louveciennes, 1873, huile sur toile, 54,5 x 73cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Sylvie Chan-Liat.
« L’Etranger » parmi les impressionnistes
Bien que né à Paris et ayant réalisé toute sa carrière en France, Sisley n’obtiendra jamais la nationalité française, en dépit plusieurs demandes de naturalisation. Le flottement identitaire du peintre britannique se résout dans un attachement profond au territoire francilien. Parisien jusqu’à ses 30 ans, Sisley déménage successivement à Louveciennes (1870-74), à Marly-le-Roi (1875-77), puis à Sèvres (1877), avant d’arrêter son chemin dans le village de Moret-sur-Loing en 1881 : « Marché une fois par semaine, église fort jolie, vues assez pittoresques » écrit-il à Monet le 31 août 1881. Au même titre que Monet à Giverny ou Pissarro à Eragny-sur-Epte, le « déraciné » Sisley tisse une relation de plus en plus empathique avec ce lieu, qui est à la fois son motif et son environnement quotidien : « Je n’ai pas oublié la splendeur des arbres, des clairières, des rochers qu’il commentait si poétiquement, ni le récit de la vie des riverains dont il connaissait toutes les péripéties [6]» se souvient Gustave Geffroy, après une visite à Moret.

Alfred Sisley, La Côte du Coeur-Volant à Marly sous la neige, entre 1877 et 1878, huile sur toile, 45,5 x 55,5cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Alfred Sisley, La Neige à Marly-le-Roi, 1875, huile sur toile, 46,5 x 56cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais(Musée d'Orsay) / Gérard Blot.
S’il a bien sûr représenté le monde industriel et la vie contemporaine, Sisley se méfie de plus en plus de la modernité et de ses signes. En témoigne cet article intitulé « Electric Light » et dédicacé « À mon ami A. Sisley », dans lequel Arsène Alexandre retranscrit ses échanges avec le peintre : une simple transformation urbaine, l’électrification des éclairages parisiens en 1889, est l’occasion d’une diatribe contre ces évolutions qui menacent les « chercheurs d’évocations » et les « amoureux du temps passé. » Le critique, et à travers lui l’artiste, plaide en faveur de la lumière naturelle et d’un paysage atemporel : « Vieilles rues, vieilles maisons, vieilles fenêtres, vieux noms ! On ne les regarde pas assez, et un jour est proche où on se repentira de les voir disparaître sans les avoir plus intimement connues [7]». De fait, « le peintre de Moret » poursuit son œuvre dans l’indifférence du temps présent. À l’écart de Paris, il valorise une image archétypale de la banlieue rurale, de ses villages et de ses champs, de ses chemins et de ses routes qu’il cherche à peindre, selon ses propres termes, « enveloppés de lumière, comme ils le sont dans la nature [9]».
Loin de toutes préoccupations testimoniales, l’artiste conjugue cette approche impressionniste à la tradition romantique du « paysage-état d’âme. » Particulièrement vulnérable devant un motif susceptible de l’ « émouvoir à en pleurer [10]», Sisley voue une passion aux nuages et aux ciels qu’il associe à différents états émotionnels, du ciel d’été qui « exalte » et « entraîne », à ce ciel mélancolique de fin de journée :
“ « Ses nuages s’allongent, prennent souvent la forme de sillages, de remous qui semblent immobilisés au milieu de l’atmosphère et, peu à peu, disparaissent, absorbés par le soleil couchant. Celui-là est plus tendre, plus mélancolique, il a le charme des choses qui s’en vont. Et je l’aime particulièrement [11]». ”

Alfred Sisley, La Seine à Saint-Mammès, 1885, huile sur toile, 54,5 x 73,5cm, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski.

Alfred Sisley, Les Prairies de Sahurs dans le soleil du matin, 1894, huile sur toile, 73 x 92.1 cm, New-York, Metropolitan Museum of Art. Source : Metropolitan Museum of Art, domaine Public.

Alfred Sisley, Le Canal du Loing, 1892, huile sur toile, 73,5 x 92,5 cm, don groupe d'amis d'Alfred Sisley, 1899, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Le peintre britannique ressemble à « L’étranger » de Baudelaire qui, s’il « ignore sous quelle latitude » est située sa patrie, « aime les nuages, les nuages qui passent … là-bas … les merveilleux nuages [12] ! » Cette déclaration témoigne aussi de l’évolution de l’œuvre de Sisley qui, si elle exprimait « une impression de nature gaie et souriante [13]» pour Théodore Duret, se teinte progressivement d’un sentiment mélancolique qui pourrait être justement lié à la privation de sa terre d’origine (avant sa mort, Sisley demandera à revoir une dernière l’Angleterre), ou aux illusions perdues de sa jeunesse. Arsène Alexandre a peut-être bien compris « la clef de sa nature comme homme et comme artiste », quand il rapporte cette confession de l’artiste qui, fréquentant les concerts Pasdeloup dans les années 1860, avait été particulièrement frappé par un scherzo de Beethoven :
“ « Cette phrase, si gaie, si chantante, si entraînante, me disait-il, il me semble que, depuis la première fois que je l’ai entendue, elle fait partie de moi-même, tant elle répond à tout ce que j’ai toujours été au fond. Je la chante sans cesse. Je me la fredonne en travaillant. Elle ne m’a jamais abandonné [14]… » ”

Alfred Sisley, Matinée de septembre, 1888, huile sur toile, 54x73cm, Agen, Musée d'Agen. Source : Musée d'Agen.
« Une force entravée » : les dernières années
« Je reste, avec Sisley, comme une queue de l’impressionnisme [15]» note Pissarro en 1895. Bien que le succès tarde à venir, Sisley reçoit malgré tout des signes bien réels de reconnaissance au tournant des années 1890 : « Pour cet artiste délicat et vaillant, il semble que c’est bien le jour de la victoire [16]» annonce Marcel Fouquier, à l’occasion de l’exposition Sisley qui ouvre en décembre 1888 chez Georges Petit. En 1890, le peintre devient membre associé de la nouvelle Société Nationale des Beaux-Arts, par l’entremise d’Arsène Alexandre. Ce statut, qui lui assure une place chaque année au Salon du Champ-de-Mars, représente une victoire pour celui qui a longtemps essuyé les refus du jury : « Grâce à vous me voilà tranquille ! Je n’aurai plus à l’avenir à m’inquiéter où je pourrai montrer ce que je fais » écrit l’artiste, avant d’ajouter : « enfin je ne suis plus un roulant de la peinture [17] ! » Plus encore, Sisley est le premier impressionniste à entrer dans les collections publiques, plusieurs années avant le Legs Caillebotte, avec l’acquisition par l’Etat de La Matinée de septembre le 2 février 1888, puis du Pont de Moret. Temps gris (aujourd’hui disparu) le 26 janvier 1891 [18].
En dépit de ces succès officiels, l’artiste peine toujours à vendre ses œuvres. S’il aura l’honneur de trois expositions particulières en 1888 chez Georges Petit, en 1893 chez Durand-Ruel et 1897 chez Boussod et Valadon, le choix stratégique de réserver au Salon de la Nationale ses dernières œuvres (il y participe chaque année, sauf en 1896 et 1897) contribue paradoxalement à l’isoler du système marchand-critique. Ainsi que l’observe Gustave Geffroy, Sisley prend le risque de se fondre dans la masse des exposants, au moment précis où ses « camarades de point de départ » triomphent sur le marché de l’art :
“ « Il eut le tort de persister aux Salons que désertèrent judicieusement ses amis Monet, Pissarro, Renoir. Au Salon il est difficile de distinguer une sensibilité individuelle dans les amas des toiles disparates accrochées les unes auprès des autres [19]». ”
Dans ses dernières œuvres, Sisley adopte le principe sériel, en consacrant notamment un ensemble de quatorze toiles à l’église de Moret-sur-Loing, peu de temps après que Monet a peint la cathédrale de Rouen. Mais dans ce contexte, il souffre inévitablement de la comparaison : « Rien du génie décoratif Monet [20]» note Félix Fénéon, qui partage le sentiment mitigé de Stéphane Mallarmé, ainsi rapporté par Edmond Bonniot : « Il lui semble que ce peintre saisit bien les accrocs de la lumière sur la pierre, mais ne rend pas le sentiment de sa solidité comme le fera probablement Monet dans sa série des cathédrales de Rouen [21]». Même l’opinion des plus ardents soutiens des impressionnistes semblent se retourner contre l’artiste, de Gustave Geffroy [22] à Octave Mirbeau qui ne retrouve, dans ses toiles récentes, plus « qu’un écho lointain, affaibli, de celles, si jolies, si jeunes, si vivantes que je revois au fond de mes souvenirs enthousiastes et déjà vieux [23] ! »
De fait, le peintre de Moret-sur-Loing est certainement celui qui a le plus souffert de la fin des manifestations collectives et le moins bien réussi sa mue artistique à l’aube du XXe siècle. Triste, résigné et déjà malade, le dernier Sisley renvoie l’image d’une « force entravée » à ceux qui l’ont connu. En 1897, alors qu’il effectue son dernier séjour en Grande-Bretagne grâce au soutien de François Depeaux, le peintre est littéralement bouleversé par sa lecture de L’Enfermé de Geffroy : « c’est vraiment le livre le plus attachant, le plus remuant que j’ai jamais lu [24]» écrit-il. Au terme de sa propre existence, Sisley retrouve un peu de lui-même dans la vie de lutte qui fut celle d’Auguste Blanqui. À la veille de sa mort, le 29 janvier 1899, il appelle à son chevet Claude Monet, qui organisera une vente aux enchères de ses tableaux pour venir en aide à ses enfants.

Alfred Sisley, Église de Moret, le soir, 1894, huile sur toile, 101 x 82cm, Paris, Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Source : CC0 Paris Musées / Petit Palais.

Alfred Sisley, L'Eglise de Moret après la pluie, 1894, huile sur toile, 70 x 60,3cm, Detroit, Detroit Institute of Arts. Source : DIA, domaine public.
[1] Arsène Alexandre, Quarante années de vie artistique, manuscrit autographe, p. 69.
[2] Voir notamment, Ann Dumas (dir.), Sisley : poète de l’impressionnisme [cat. exp., 10 octobre 2002-6 janvier 2003, Lyon, Musée des Beaux-Arts], Lyon, Musée des Beaux-Arts, 2002 et MaryAnne Stevens, Alfred Sisley, Londres, Royal Academy of Arts, 1992.
[3] Arsène Alexandre, La Collection Canonne : Une Histoire en action de l’impressionnisme et de ses suites, Paris, Editions Bernheim-Jeune, 1930, p. 41.
[4] L.A.S d’Alfred Sisley à Théodore Duret, 14 mars 1879, dans Théodore Duret, « Quelques lettres de Manet et de Sisley », La Revue Blanche, 15 mars 1899, XVIII, n°139, p. 436.
[5] Lettre d’Alfred Sisley à Paul Durand-Ruel, 5 novembre 1882.
[6] Gustave Geffroy, « Sisley », Les cahiers d’aujourd’hui, Paris, Crès, 1923.
[7] Arsène Alexandre, « Chroniques d’aujourd’hui. Electric Light », Paris, 6 novembre 1889, p. 1-2, dédicacé
[8] Arsène Alexandre, « La mort d’Alfred Sisley », Le Figaro, 30 janvier 1899, p. 4.)
[9] Lettre d’Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, 24 janvier 1892
[10] « A son premier voyage à Rouen, j’ai conduit là Sisley qui a été absolument ébloui par cette apparition, mais ébloui et ému à en pleurer » [L.A.S d’Albert Lebourg à Arsène Alexandre, 23 février 1900, Paris, fonds Arsène Alexandre, Bibliothèque centrale des musées nationaux, [Ms 520, L.A. 48080, n°330-331].
[11] Lettre d’Alfred Sisley à Adolphe Tavernier, 24 janvier 1892
[12] Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869.
[13] Théodore Duret, Les Peintres impressionnistes, 1878.
[14] Arsène Alexandre, Préface au catalogue de la Vente de tableaux, études, pastels, par Alfred Sisley, Paris, Goupil et Cie, 1899, p. 15-16.
[15] L.A.S de Camille Pissarro à Lucien Pissarro, 1895, dans Janine Bailly-Herzberg, Correspondance Camille Pissarro, Tome 4/1895-1898, p. 37.
[16] Marcel Fouquier, « Un maître impressionniste. Une exposition particulière. Paysages de M. Sisley », Le XIXe siècle, 7 décembre 1888, p. 2.
[17] Lettre de Sisley à Monet, 9 février 1875.
[18] Voir Pierre Vaisse, Deux façons d’écrire l’histoire : le legs Caillebotte, Paris, INHA-, Éditions Ophrys, 2014.
[19] Gustave Geffroy, Sisley, Paris, G. Crès & Cie, 1927, p. 12.
[20] Félix Fénéon, « Tableaux de Sisley », La Cravache, 15 décembre 1888 ; reprit dans Œuvres plus que complètes, Paris, Genève, Droz, 1970, p. 128.
[21]Edmond Bonniot, « Notes sur les mardis », op. cit., p. 13 [17 octobre 1893].
[22] Patricia Plaud-Dilhuit observe que Geffroy se montre « moins admiratif, moins laudatif » avec Sisley dans les années 1890 (Gustave Geffroy critique d’art, thèse de doctorat, Université Rennes II, 1987, p. 230-231.)
[23] Octave Mirbeau, « Le Salon du Champs-de-Mars », Le Figaro, 25 mai 1892, p. 3.
[24] Lettre d’Alfred Sisley à Gustave Geffroy, 16 juillet 1897.
Olivier Schuwer, « Alfred Sisley », Impressionnisme.s [en ligne], mis en ligne le 03 Feb 2025 , consulté le 10 Feb 2025. URL: https://impressionnismes.fr/personalite/alfred-sisley/
Dates clés
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1857-1861
Installé à Londres, Sisley découvre la peinture de Turner, Constable et Bonington.
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1862
Sisley entre à l’atelier Gleyre et rencontre Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir et Frédéric Bazille.
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1870
Dans une série de peintures consacrées au Canal Saint-Martin, Sisley fixe son langage impressionniste.
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1881
Sisley s’installe à Moret-sur-Loing
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1897
Dernier séjour de quatre mois en Grande-Bretagne.
Découvrez la bibliographie
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Alfred Sisley. Catalogue raisonné de l’oeuvre peint. Préface de Charles Durand-Ruel
Paris, Éd. Durand-Ruel, 1959
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Alfred Sisley : poète de l’impressionnisme [expo. , Lyon, Musée des beaux-arts, 10 octobre 2002 – 6 janvier 2003]
Paris, Réunion des musées nationaux et Lyon, Musée des beaux-arts, 2002