Antonin Personnaz
- Naissance 13 Oct 1854, Bayonne
- Mort 31 Déc 1936, Bayonne
- Nationalité Français
Alphone Osbert, Antonin Personnaz, 1882, huile sur bois, 81 x 65 cm, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / DR

- Biographie
- Dates clés
- Bibliographie

Antonin Personnaz, Autoportrait au milieu de sa collection, date inconnue (postérieure à 1892), plaque négative sur verre, 8 x 9 cm, Inv. 804-im 18, Paris, Société française de photographie. Source : Société française de photographie - Droits réservés. https://sfp.asso.fr/
Si le nom d’Antonin Personnaz évoque un donateur des musées nationaux, on sait moins que la photographie a été, entre 1896 et 1914, la grande passion de ce collectionneur d’art. Conservé par la Société française de Photographie par suite d’un don de sa veuve, son fonds photographique est longtemps resté méconnu [1]. Quelques images avaient été dévoilées dès la fin des années 1970 mais c’est la numérisation et la mise en ligne par ladite société, en 2017, de plus d’un millier de plaques autochromes qui ont permis de faire reconnaître la valeur et la singularité de son œuvre.
Une première exposition personnelle lui était consacrée par le musée des Beaux-arts de Rouen au sein du festival Normandie Impressionniste 2020, suivie d’une exposition sur ses liens avec la Vallée de l’Oise au musée Camille Pissarro de Pontoise puis d’une présentation de ses autochromes du pays basque par le Musée basque et de l’histoire de Bayonne [2]. Ces manifestations ont mis en lumière la vie et l’œuvre de ce personnage discret. Par ailleurs l’acquisition, par le musée d’Orsay et le musée Bonnat-Helleu, de documents relatifs à la constitution de ses collections a permis de documenter son important apport à l’histoire de l’impressionnisme et de souligner les affinités entre ses goûts de collectionneur et sa pratique de la photographie [3].

Edgar Degas, La Repasseuse, 1869, fusain, craie blanche et pastel sur papier, 74 x 61 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937. Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.
Le collectionneur amateur d’art
Antonin Personnaz naît le 13 octobre 1854 à Bayonne, dans une famille de négociants en tissus liée à celle de Léon Bonnat. C’est d’abord « surtout attiré par le bibelot » et à l’occasion de voyages en Espagne qui « excitent son ambition de collectionneur débutant » qu’Antonin Personnaz réalise ses premiers achats [4]. Il se passionne d’abord pour les meubles anciens et le Moyen-Âge ; en témoignent une châsse limousine du XIIIe siècle conservée par le musée du Louvre ou deux sculptures de bois polychrome conservées au musée Bonnat-Helleu.
Dans les années 1870, installé à Paris pour gérer les affaires familiales, Antonin Personnaz découvre aussi les peintres Auguste Renoir, Claude Monet et Edgar Degas, chez qui il ressent « l’impression de la vraie nature, vibrante d’air et de clarté [5] ». C’est peu de temps après qu’il commence sa collection de peintures, dessins et gravures. Dès 1880, ses intuitions le conduisent vers une marine d’Albert Lebourg, une Repasseuse d’Edgar Degas (1869, musée d’Orsay) et un Jardin Potager à l’Hermitage de Camille Pissarro (1879, musée d’Orsay), tableau remarqué à l’Exposition des Indépendants, la cinquième exposition organisée par le groupe impressionniste. Peinte quelques mois plus tôt à Pontoise, cette œuvre représente un groupe de maisons et un jardin potager dans lequel deux femmes travaillent. La scène est simple et paisible, elle touche Personnaz, qui dira plus tard que ce sont ces premiers achats qui, « encore aujourd’hui, [lui] donnent les plus grandes jouissances [6] »

Camille Pissarro, Jardin potager à l'Hermitage. Pontoise, 1879, huile sur toile, 55 x 65,5 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Stéphane Maréchalle.

Mary Cassatt, Jeune fille au jardin, entre 1880 et 1882, huile sur toile, 92,5 x 65 cm, Legs Antonin Personnaz 1937, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/Martine Beck-Coppola
Mais c’est surtout le Salon des Indépendants de 1892 qui lui insuffle le désir d’approfondir ses connaissances et d’intensifier sa collection. Pour former son œil, il rend visite aux collectionneurs Georges Murat, Jean-Baptiste Faure, Paul Gallimard, Eugène Blot, les docteurs Filleau et Viau. Il rencontre le peintre Armand Guillaumin et, par lui, le peintre et mécène Eugène Murer à Auvers-sur Oise, où il aura lui-même une maison de campagne pendant de nombreuses années. Bien qu’il dispose de moyens financiers limités, de nombreuses toiles de Camille Pissarro, Armand Guillaumin, Claude Monet, Mary Cassatt, Berthe Morisot, Maurice Denis, Alfred Sisley, Toulouse-Lautrec, Edgar Degas, Jean-Louis Forain, Auguste Renoir, Paul Signac rejoignent sa collection entre 1892 et 1920. Majoritaires, les paysages traduisent son intérêt pour la nature. Achetant parfois aux ventes aux enchères, à d’autres collectionneurs ou directement à l’artiste, il est le plus souvent guidé par des marchands comme Portier, Gaston Camentron, Bernheim jeune, Paul Durand-Ruel ou Georges Petit.
C’est vraisemblablement chez ces derniers qu’il découvre la photographie pictorialiste. En janvier 1894 la galerie Georges Petit accueille en effet la « Première exposition d’art photographique » organisée par le Photo-club de Paris. La seconde édition a lieu au printemps 1895 à la galerie Durand-Ruel. Antonin Personnaz qui, plus jeune, s’était déjà essayé à la musique, au dessin et à la sculpture sous le regard bienveillant de son ami le peintre Alphonse Osbert, voit soudain dans cet art la possibilité d’une pratique artistique personnelle. A l’été 1895, il écrit à son ami le peintre François Guiguet qu’il vient d’acheter un appareil. C’est le début d’un engouement qui l’animera ardemment jusqu’à la guerre de 1914, en parallèle de sa collection.

Armand Guillaumin, Issy-les-Moulineaux. Vallée des environs de Paris, 1877, huile sur toile, 46 x 55 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937, Bayonne, musée Bonnat-Helleu, musée des beaux-arts de Bayonne. Source : Grand Palais Rmn / René-Gabriel Ojeda

Alfred Sisley, Le Brouillard, Voisins, 1874, huile sur toile, 50,5 x 65 cm, Legs Antonin Personnaz 1937, Paris, musée d'Orsay. Source : RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot

Antonin Personnaz, Camille Pissarro avec son chevalet dans le verger de sa maison d’Eragny-sur-Epte, 3 novembre 1901, tirage argentique, Pontoise, Musée Camille-Pissarro, archives. Source : Pontoise, Musée d'Art et d'Histoire Pissarro - Pontoise.
Le photographe
L’intérêt de Personnaz pour la photographie est à mettre en perspective avec l’essor du pictorialisme à la fin du siècle dernier. Ce courant international venu du Royaume-Uni tente de lutter contre le réalisme et l’automaticité de la photographie pour lui conférer un aspect plus proche du dessin, du fusain ou de l’estampe. La déferlante sur le marché d’appareils et de matériels faciles à manier mettent la technique à la portée de tous. Si ce loisir relativement coûteux reste encore réservé aux classes sociales assez aisées, la photographie est en train de gagner de nombreux artistes comme Edgar Degas, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Félix Vallotton ou Émile Zola.
Dès 1896 Antonin Personnaz rejoint la Société française de photographie puis la Société d’excursion des amateurs de photographie et la Société d’excursion du Touring Club de France, où il se fait remarquer pour ses paysages et scènes champêtres. On lui connaît peu de portraits mais, en 1901-1902, il choisit pour sujets Armand Guillaumin, Léon Bonnat et Camille Pissarro. Largement inédite, sa production en noir et blanc inclut des scènes pictorialisantes et d’autres plus documentaires. Cependant ses travaux prendront une toute autre intensité lors de l’arrivée de la photographie en couleurs. C’est cette technique qui lui permettra d’exprimer une véritable originalité.

Antonin Personnaz, Femme avec ombrelle rouge dans un champs de fleurs, entre 1907 et 1914, photographie positive sur plaque de verre autochrome, 9 x 12 cm, Inv 0804im- A-0176, Paris, Société française de photographie. Source : Société française de photographie - Droits réservés. https://sfp.asso.fr/
L’autochromiste
En 1907, les frères Lumière lancent sur le marché les plaques « autochromes », premier procédé de photographie directe des couleurs. Il s’agit de plaques de verre recouvertes de milliers de grains de fécule de pomme de terre, divisés en trois lots colorés en orangé, vert et violet puis écrasés par lamination. On y ajoute une émulsion panchromatique [7] au gélatino-bromure d’argent, sur laquelle vient s’impressionner l’image après avoir traversé les grains. Antonin Personnaz est immédiatement fasciné par ce procédé à l’aspect pointilliste, qui lui semble confirmer scientifiquement l’intuition des impressionnistes au sujet de la décomposition de la lumière et des couleurs. Selon lui
“ La plaque autochrome voit, comme a vu, à la fin du siècle passé, l’œil précurseur de nos vaillants impressionnistes [8]. ”

Antonin Personnaz, Cheminées d’usine se reflétant sur l’eau, entre 1907 et 1914, photographie positive sur plaque de verre autochrome, 9 x 12 cm, Inv. 0804im- A-0871, Paris, Société française de photographie. Source : Société française de photographie - Droits réservés. https://sfp.asso.fr/
Lors du Congrès international de la photographie de Bruxelles en 1910, il insiste sur la « finesse de gammes et de tons – tons d’aquarelles, de pastels même » que peut donner la plaque autochrome [9]. Se qualifiant non sans humour d’autochromiste névrosé, « de caractère inquiet, cherchant dans des effets fugitifs et rares, des sensations inédites, opérant aux heures plutôt défavorables », il tend parfois vers le quasi-monochrome [10].
Ses confrères relèvent que « M. Personnaz n’est pas seulement un photographe, mais un artiste admirateur passionné des grands peintres. Son désir c’est de pouvoir rendre avec les plaques en couleurs le coloris et les effets qu’ils ont reproduits sur leurs toiles [11] ». Séjournant de plus en plus souvent à Auvers-sur-Oise, à proximité des peintres, il s’essaie à de très nombreux effets sur la lumière et les reflets. Sa dernière projection parisienne d’images en couleurs sur la Côte d’Azur et l’Estérel, a lieu le 17 juillet 1914, quelques jours avant la mobilisation générale [12]. C’est à cette époque qu’il semble avoir cessé ses activités photographiques.

Claude Monet, Le Pont d'Argenteuil, 1874, huile sur toile, 60,3 x 80 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937, Paris, musée d'Orsay. Source : Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt.
Le donateur
Durant la guerre, Antonin Personnaz se retire des affaires et revient à Bayonne où il suit, à la demande de Léon Bonnat, le réaménagement du musée que ce dernier a fait construire pour abriter sa collection d’art et de dessins. Membre actif de sociétés savantes, il est l’un des acteurs majeurs de la vie artistique bayonnaise. Il prête aussi des tableaux pour les expositions rétrospectives de Claude Monet à l’Orangerie et de Toulouse-Lautrec à Albi. À la mort de Léon Bonnat, son dévouement à faire respecter les volontés du maître puis à veiller à la sauvegarde des œuvres et du bâtiment de son musée dans des conditions difficiles lui valent d’être fait chevalier de la Légion d’honneur.
Après son décès survenu le 31 décembre 1936 et suivant ses volontés, sa veuve délivre en 1937 un legs verbal de 142 œuvres de sa collection aux musées nationaux, dont 50 sous réserve d’usufruit. La plus grande partie est conservée à l’heure actuelle par le musée d’Orsay, dont le Pont d’Argenteuil de Claude Monet de 1874 constitue l’un des fleurons. En 1947, elle effectue un second legs des œuvres qu’elle a conservées, pour dépôt au musée Bonnat, actuellement musée Bonnat-Helleu, musée des beaux-arts de Bayonne.

Albert Lebourg, Pont de Tolbiac, vu de Bercy, s.d., huile sur toile, 35 x 65,2 cm, Legs Antonin Personnaz, 1937, Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Bayonne, Musée Bonnat-Helleu, musée des beaux-arts de Bayonne. Source : Bayonne, musée Bonnat-Helleu / A Vaquero.
[1] Bulletin de la Société française de photographie, avril 1937, n°4, p.76 ; mai 1937, n°5, p.106 ; juin 1937, n°6, p.116.
[2] Sylvain Amic, Virginie Chardin (éds.), La vie en couleurs. Antonin Personnaz, photographe impressionniste [cat. expo., Rouen, musée des beaux-arts, 2020], Rouen, RMM/Silvana Editoriale, 2020 ; Virginie Chardin, Christophe Duvivier (éds.), Antonin Personnaz, la vallée de l’Oise en couleurs : autochrome [cat. expo. Pontoise, musée Camille-Pissarro, 2021], Pontoise, Selena éditions, 2021 ; Jacques Battesti, Alona Intxaurrandieta, Ziortza San Pedro (éds.), Le pays basque en couleurs : Autochromes 1907-1935 [cat. expo. Bayonne, musée basque et de l’histoire de Bayonne, 2023], Bayonne, Kilika éditions, 2024.
[3] Antonin Personnaz, correspondances, factures, cahiers d’achat, photographies, 1875-1952, Musée d’Orsay, inv. RF MO ODO 2015 ; Antonin Personnaz, carnet manuscrit relatant ses souvenirs de collectionneur, 1892-1893, Musée Bonnat-Helleu, inv. 2016.6.1 ; Sur ce sujet, voir Sophie Harent et Sylvie Patry, « L’intuition du collectionneur, l’œil du photographe », Antonin Personnaz, photographe impressionniste, ibid.
[4] Citations extraites de Antonin Personnaz, carnet manuscrit relatant ses souvenirs de collectionneur, 1892-1893, ibid.
[5] Antonin Personnaz, carnet manuscrit relatant ses souvenirs de collectionneur, ibid.
[6] Antonin Personnaz, carnet manuscrit relatant ses souvenirs de collectionneur, ibid.

Antonin Personnaz, Lever du soleil sur la neige, entre 1907 et 1936, photographie positive sur plaque de verre autochrome, 9 x 12 cm, Inv 0804im A-0926, Paris Société française de photographie. Source : Société française de photographie - Droits réservés. https://sfp.asso.fr/
[7] C’est-à-dire possédant une sensibilité à toutes les couleurs du spectre, proche de celle de l’œil humain
[8] Antonin Personnaz, « A propos des autochromes (troisième article). La valeur esthétique de ce procédé », dans Bulletin de la Société française de photographie, 1909, p.157.
[9] Antonin Personnaz, « L’esthétique de la plaque autochrome », in Vè Congrès international de photographie, Bruxelles 1910, Bruxelles, Bruylant, 1912.
[10] Bulletin de la Société d’excursions des Amateurs de Photographie, n°122, février 1909, p.15-18.
[11] Bulletin de la Société d’excursion des Amateurs de Photographie, n°121, janvier 1909, p.1 et n°122, février 1909, p.23-24.
[12] Bulletin de la Société française de photographie, août 1914, p.240.
Virginie Chardin et Hélène Ferron, « Antonin Personnaz », Impressionnisme.s [en ligne], mis en ligne le 24 Jan 2025 , consulté le 10 Feb 2025. URL: https://impressionnismes.fr/personalite/antonin-personnaz/
Dates clés
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Années 1870
Début de la collection de Personnaz
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1895
Achat du premier appareil photo
Personnaz achète à l’été 1895 son premier appareil photo. Il rejoint l’année suivante la Société française de photographie.
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1907
Un " autochromiste névrosé "
Dès le lancement sur le marché des plaques autochromes par les frères Lumière, Antonin Personnaz explore ce médium.
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1937
Legs aux musées nationaux
Legs de 142 oeuvres aux musées nationaux par la veuve d’Antonion Personnaz.
Découvrez la bibliographie
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La vie en couleurs. Antonin Personnaz, photographe impressionniste [cat. expo., Rouen, musée des beaux-arts, 2020]
Rouen, RMM/Silvana Editoriale, 2020
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Antonin Personnaz, la vallée de l’Oise en couleurs : autochrome [cat. expo. Pontoise, musée Camille-Pissarro, 2021]
Pontoise, Selena éditions, 2021